John Le Boutillier est issu de l’une des plus anciennes maisons des îles anglo-normandes. Il a vu le jour à Saint-Jean, île Jersey, le 23 avril 1797.
En 1824, John dirige à Percé le comptoir de pêche de la compagnie Robin. Il épouse la fille naturelle du propriétaire Élizabeth Robin. Philip Robin écrit ce qu’il pense sincèrement de son gendre: «He is a young man of steady habits, and in a respectable situation of trust, which he has filled to our satisfaction, and, consequently, is likely to continue therein». Ce lien de famille entre Élizabeth et Philip Robin (père) procurera à John Le Boutillier l’espoir de mettre un jour la main sur l’empire Robin.
John et Élizabeth forment un couple très uni. Ils manifestent aussi un sens de la famille assez aigu et ils entretiennent un lien étroit avec leurs enfants dès leur jeune âge. Lors d’une visite pastorale sur la côte de Gaspé, l’évêque anglican remarque, et prend la peine de noter dans son journal, «This young couple seem never tired of playing with their boy, & the father seems to forget all the world & it’s business while he has him in his arms & talk nonsense to him; watches his droll faces & enter into his means of entertainment».
Ils auront huit enfants : sept garçons et une fille. Pendant que JLB demeure à Québec pour les sessions du Parlement, Élizabeth garde un œil sur la compagnie et même effectue des tournées de ses postes de pêche. Il a en elle une confiance absolue. Ils gardent un lien familial vivant même après que leurs enfants eurent quitté la maison paternelle.
Sa carrière publique couvre deux champs d’activités : l’administration judiciaire et la vie politique.
Juge de paix dès le début des années 1820, il devint aussi président du Grand Juré à la Cour des Sessions de la Paix. John Le Boutillier, comme tous ses pairs, prend position sur des sujets autres que judiciaires, dénonce des incuries et va même jusqu’à faire respecter des conventions internationales en lieu et place du gouvernement. Il prend la tête d’un groupe de pêcheurs pour repousser et décourager une goélette américaine à venir pêcher dans les eaux canadiennes.
En 1824, à titre de président du Grand Jury de Percé, il dépose une requête qui recommande l’érection d’une nouvelle prison à Percé et souligne la nécessité de construire des chemins entre les différents centres de colonisation du district de Gaspé.
En 1842, pour donner suite à ses plaintes répétées, le gouvernement décidait de mettre sur pied une commission d’enquête qui devait faire la lumière sur l’administration de la justice en région et proposer des solutions.
La carrière publique de John Le Boutillier est faite d’un mélange de conscience sociale et d’opportunisme; elle s’étend sur une période d’une quarantaine années.
Porteur d’un patronyme français, mais britannique d’origine, s’exprimant aussi bien en français qu’en anglais, marié à une Canadienne française, catholique de surcroît, mais membre personnellement de l’Église anglicane, et représentant de la classe d’affaires anglophone, John Le Boutillier était acceptable pour les Patriotes tout comme pour les Tories.
Ses réalisations montrent qu’il s’occupe de son comté adéquatement. Les sommes d’argent dépensées pour la construction des routes en Gaspésie indiquent qu’il pouvait faire entendre sa voix efficacement. Son journal personnel montre aussi que les gens du gouvernement le consultent sur des problèmes relatifs aux pêches et sur les mesures législatives à prendre lorsque vient le temps d’adopter une loi.
Comme le fait remarquer David Lee dans son étude sur la Gaspésie, en devenant député John Le Boutillier entend servir ses affaires alors que Robin préférait contrôler les élections et les hommes en place.
En somme, l’action de Le Boutillier en politique a bien servi les intérêts de la population gaspésienne autant que ceux des grandes compagnies.
En août 1864, une délégation s’est embarquée sur le S S Queen Victoria à Québec. En route vers Charlottetown, le navire débarquait deux jours plus tard ses illustres voyageurs aux quais de la baie de Gaspé, juste en face de Fort Ramsay, résidence principale du député de Gaspé. Pendant quelques heures, les Pères de la Confédération se joignent à John Le Boutillier pour une courte excursion le long des berges. Le lendemain, la délégation poursuit sa route en direction des Maritimes où ils participent à la conférence de Charlottetown.
Peu de politiciens peuvent se vanter d’avoir vécu autant d’événements marquants dans l’histoire constitutionnelle du Canada et d’avoir travaillé avec des personnages politiques aussi renommés. (Jean-Thomas Taschereau, Louis-Joseph Papineau, Georges-Étienne Cartier, John A. Macdonald, Georges Brown, Alexander T. Galt, …)
La John Le Boutillier and Company constitue une entreprise d’envergure. Elle a fourni du travail à plus de 130 chefs de famille et pêcheurs gaspésiens chaque année.
Sur le plan des avoirs, elle possède dans la péninsule un réseau de sept comptoirs et postes de collecte pour la morue et une quinzaine de navires sillonnent le monde sous son pavillon. La famille disposait d’une somptueuse résidence à Gaspé, d’un comptoir de pêche à L’Anse-au-Griffon (Le Manoir Le Boutillier), de résidences secondaires à Percé, Sainte-Anne-des-Monts, et Québec. L’entreprise de John Le Boutillier faisait très bonne figure sur le marché du poisson; il a légué à ses fils un patrimoine en santé.
John Le Boutillier a connu en affaires un succès qui le place au rang des grands hommes de son temps. L’industrie du bois avait à l’époque ses barons, l’industrie de la pêche avait son roi, Robin, mais elle avait ses princes et John Le Boutillier fut l’un d’entre eux. Il a créé une entreprise commerciale de grande importance, tant sur la scène nationale qu’internationale.
Il a ainsi contribué au développement de l’industrie halieutique canadienne. Grâce à des hommes comme lui, la Gaspésie ne fut pas aussi isolée qu’on a voulu le faire croire. Ses navires reliaient la région avec les ports de Québec et de Montréal, avec l’Amérique du Sud et les États-Unis, avec L’Europe du Nord et le bassin méditerranéen. Il est ce type d’homme que l’on se plait aujourd’hui à qualifier de ‘’self made man’’ et n’a connu tout au long de sa vie qu’une règle : le travail.
Un des descendants de la famille a perpétué son esprit entrepreneurial, soit M. John Le Boutillier.
Source: La Grande Époque de la Gaspésie, John Le Boutillier 1797-1872. Mario Mimeault
Venez en découvrir plus sur l’homme exceptionnel qu’était John Le Boutillier au Manoir le Boutillier de l’Anse-au-Griffon